Thursday, April 28, 2005 to Saturday, May 21, 2005

    Opening
    • Thursday, April 28, 2005
    La représentation de la figure humaine est depuis longtemps au cœur de l’œuvre de Linda Carreiro. Dissection, l’installation qu’elle propose, est sa plus récente série de pièces qui s’éloignent de ses premières créations, des représentations de figures en tant que sujets de narration et de métaphore; la figure se rapproche cette fois d’une représentation du corps humain comme lieu d’un discours culturel et personnel. Plus précisément, elle étale ici le corps écorché et non le corps râblé et renfermé de l’expérience vivante. Plutôt que de présenter un tout cohérent, Carreiro présente un tableau dans lequel le corps semble être un analogue fait d’objets hétérogènes. Le corps a perdu les traits de caractère propres à l’individu: son visage, ses marques distinctives, son profil ininterrompu, ses particularités sexuelles et raciales. Ce corps, qui semble n’appartenir à personne, a aussi quelque chose de personnel et de touchant. Les objets, les matériaux et l’artisanat de la pièce ont un retentissement et la présentation comporte une pointe d’horreur. Un vieux coffre en bois trône au sol et il s’en échappe des fils de mots rouges, cousus à la main, semblables à des viscères, auxquels s’attaque une armée de corbeaux. Les corbeaux sont faits de papier avec un effet de pelure et portent des inscriptions faites avec un semblant d’encre brune (de l’encre invisible – eau sucrée et jus de citron exposés à la chaleur – qui se rapporte au secret, aux photos jaunies ou au sang séché). À l’intérieur du coffre, les fils de mots, qui portent le même type d’inscriptions, sont attachés à une masse qui a la forme d’un cœur humain. Les mots sont des citations tirées d’œuvres historiques se rapportant à la dissection, à la médecine, aux transplantations. Les corbeaux sont couverts de transcriptions de textes explicatifs d’Andreas Vesalius, le père de l’anatomie moderne qui a vécu au XVIe siècle. Les textes des entrailles sont des extraits de textes allant d’Hippocrate à nos jours. Le tout oscille entre la poésie et la froide description. Comme les organes d’un corps disséqué, ces pensées sont prises hors de leur contexte; mises ensemble, elles révèlent toutefois notre malaise devant le processus de la dissection, si intimement lié aux notions que l’on se fait de l’identité et de la mortalité. Phillippe Ariès, historien et théoricien culturel, pose d’ailleurs très bien la question dans l’un des textes : « Y a-t-il une relation définitive entre les idées qu’une personne se fait de la mort et l’idée qu’elle se fait d’elle-même? » La controverse a entouré la pratique de l’anatomie depuis son invention. Il est impossible de discuter du corps, vivant ou mort, dans la neutralité, peu importe qu’on en discute au moyen du langage ou d’une culture visuelle. La raison est simple. L’anatomie traite du corps – que nous connaissons d’une certaine façon – d’une manière que nous connaissons manifestement très mal. Le corps personnel qui grandit, se reproduit et se décompose, le corps de la faim, du désir et de la plénitude, le corps de l’émotion, de la pensée et de la perception s’efface devant l’étrange scalpel de l’anatomiste, qui dévoile une intimité impersonnelle qui s’offre à la vue, et où s’inscrivent et se tracent les textes anatomiques. Le corps passe de façon inquiétante de la subjectivité à l’objectivité. L’anatomie trace les lignes d’un nouveau pays qui, bien qu’à l’intérieur de nous, est inconnu et impalpable. Si l’anatomie réifie elle-même le corps en texte et en spectacle visuel, Dissection de Carreiro est une discussion parallèle qui touche à l’éthique et aux motifs de la médecine et qui porte à réfléchir sur notre fascination sans fin du corps en tant que sujet et objet. Steven Nunoda est un artiste et un éducateur qui vit à Calgary. La Galerie 101 est heureuse d’appuyer la Scène Albertaine, une célébration en l’honneur d’artistes albertains et des arts, qui se déroulera à Ottawa du 28 avril au 10 mai 2005. Merci à Deborah Margo, Coordinatrice des arts visuels.