Tuesday, November 4, 2003 to Saturday, November 29, 2003

    Opening
    • Friday, November 7, 2003
    « Les boissons gazeuses sont à la fois nourriture et déchet, alléchant et dégueulasse, riche mais vide. » Pat Durr s'intéresse aux « déchets » depuis longtemps. Pendant plusieurs années, ses imprimés, installations, dessins et sculptures étaient axés sur différentes formes de déchets, ainsi que sur le rôle joué par les déchets dans notre société. Les excréments et les ordures, deux des excès les plus dégoûtants de notre économie, détritus témoignant de notre besoin incessant de consommer, ont souvent fait leur apparition dans l'art de Durr, sous forme de tarte à la vache et de boîtes de conserve écrasées. Mais qu'en est-il des sodas, ces boissons collantes et gazéifiées qui, aujourd'hui, constituent la plus grande source de sucres raffinés dans le régime alimentaire américain? Dans les réclames, les sodas ont encore une image lié aux plaisirs innocents: des boissons désaltérantes qui vous mettent de bonne humeur; des boissons fraîches (dans le sens de cool et de chic) parfaites pour accompagner les repas de famille et les réunions mondaines. Cependant, plusieurs études ont montré que la consommation de sodas est une cause importante d'obésité infantile, de diabète, de carie dentaire, d'ostéoporose et de cardiopathie. Dans le fond, c'est de la « camelote alimentaire » à l'état pur, des ordures qu'on se met dans le corps plutôt que les jeter. Comme l'a si bien affirmé Durr elle-même, les sodas sont « à la fois nourriture et déchet, alléchant et dégueulasse, riche mais vide ». En tant que tels, les sodas représentent un bon exemple de la « surabondance » et de l'« extravagance » au centre de toute économie, matière ou symbole, comme l'avançait Georges Bataille. Par contraste avec la représentation qu'on se fait d'habitude de l'économie matérielle qui consiste à lutter pour obtenir des ressources trop rares, Bataille prétendait qu'à tout moment il y a toujours un surplus d'énergie par rapport aux besoins matériels réels des sociétés et des individus. Cet excès peut prendre plusieurs formes: concentrations d'énergie et de richesse, luxe excessif, pollution et déchets, catastrophe et violence. La camelote alimentaire, et l'obésité qui en découle et qui afflige aujourd'hui les nations industrielles, sont des exemples parfaits des excès qu'il a décrit. L'installation multimédia de Durr à la Galerie 101 est constituée d'éléments d'investigation, de critique sociale et d'un air de fête. Ici, elle poursuit son sondage international continu (en cours depuis 2002) portant sur les habitudes de consommation des gens face aux sodas, ainsi que sur l'influence et l'importance des boissons gazeuses dans leur vie, en mettant fortement l'accent sur les nombreuses personnes qui croient avoir une dépendance par rapport aux sodas. Les résultats de ce sondage pourront être consultés sur le nouveau site Web de Durr, complémentaire à l'exposition (http://sodaculture.ca). Le long d'un mur de la galerie, l'artiste étale une grille caractéristique éclatante et funky de boîtes de soda écrasées tirées de sa collection personnelle, dans laquelle aucune stylique de boîte de soda (ou marque) n'est identique. On demande aussi aux visiteurs d'apporter à la galerie d'autres boîtes de soda. Ce projet est symbolique et cathartique : à intervalles irréguliers, Durr donnera une « performance » en écrasant des boîtes puis en les attachant à la grille jusqu'à ce que le mur en soit entièrement garni. Ici, les déchets sont détruits de manière symbolique, mais ils sont aussi vénérés et transformés, de la laideur au sublime. Une large bande et des néons épellent les mots « culture » et « déchets ». Déchets de culture, en référence au soda mais aussi à la « culture pop », ils sont, dans un sens, des mots de combat, extravagants à juste titre, une invitation aux visiteurs à participer à l'enquête de Durr, à s'interroger sur leurs propres habitudes, préférences et désirs. En inversant les mots, on obtient « culture de déchets » : en effet, voici notre monde, une économie que nous avons nous-mêmes fabriquée. La question cruciale de Durr porte sur comment nous prenons position dans ce monde. Jen Budney