Mon travail s'exprime principalement dans les champs de la photographie et du texte. L'histoire que je raconte puise dans les éléments qui régissent notre quotidien : règles, consignes et interdictions. Je m'intéresse à leur representation ou plus précisément, au moment où le normatif peu servir à communiquer une émotion et devenir narratif. Au cours des dernières années, je me suis intéressé aux rapports ambigus que nous entretenons avec la sécurité. Les notions de danger, de confort et d'indifférence ont été mises en jeu pour créer une tension où survie s'accorde avec apathie. Avec le temps, l'origine de la menace est devenue de plus en plus abstraite, laissant les acteurs seuls avec leur angoisse, en attente de la catastrophe qui donnerait enfin un sens à leur vie. Mes recherches actuelles continuent de questionner les mécanismes de protection psychologiques en s'intéressant aux rapports entre individualisme et collectivité. Esthétiquement, je tends à délaisser le pseudo-réalisme des productions precedents pour approfondir un traitement plus métaphorique. Précipices explore par la photographie et le texte différents rapports entre l'individu et son environnement social. On y voit des groupes au sein desquels se vivent des tensions mais aussi des personnages seuls ou en retraits. Le texte quant à lui, propose des aphorismes où l'humanisme est mis à mal pour provoquer le spectateur dans ses retranchements individualistes. Les images donnent l'impression d'être vues à travers un filtre. À la manière de tableaux peints à rebours, l'obscurité ne laisse apparaître que certains éléments, suggérant d'emblée un parcours au spectateur. Cette approche plus théâtrale et dramatique répond à un besoin de situer les images hors de la réalité. Ces mises en scène questionnent nos obsessions de succès et de réussite dans nos rapports avec les autres. Les photographies et les textes sont présentés en petites suites offrant au spectateur des formes narratives au développement court. Certaines mises en scène se déclinent sur deux ou trois images, multipliant ainsi les points de vue. D'autres séquences évacuent le personnage pour ne laisser qu'un lieu ou un objet. Une partie de cette recherche avait déjà donné lieu au projet web Principes de gravité.* Pour Précipices, les phrases sélectionnées questionnent l'intimité, la générosité et la disponibilité. Cultivant l'ambiguïté, le travail mêlent habilement pessimisme et optimisme pour confondre le lecteur et l'amener à méditer sur des valeurs que l'on à l'habitude de prendre pour acquises. Sébastien Cliche