Thursday, March 7, 2002 to Saturday, April 20, 2002

    Opening
    • Friday, March 8, 2002
    Les productions de Kevin Ei-Ichi deForest sont à mi-chemin entre les grands objets d'art humoristiques et les propositions sérieuses de la culture populaire. Elles sont souvent interactives, avec des participants qui font tourner des disques ou qui grimpent sur des meubles/objets d'art hybridés. À titre d'objets occupant l'espace d'une galerie vide, ils se réfèrent corporellement à des participants absents par le biais d'intrusions telles des trous anthopomorphiques aux dimensions réelles d'une personne ainsi que des groupes d'excroissances organiques. Protusions, concavités, ruptures, prothèses et dégagements de fluides ont été représentés à plusieurs reprises dans l'œuvre de deForest des dix dernières années. D'autres œuvres ont littéralement décrit les pressions du corps : « Gorge sèche à l'aérogare » ou « Au bord de l'orgasme » (de Purgatory Series, 1994). Voilé ou explicite, un courant de sexualité indéniable parcourt son travail, un courant à l'origine d'un passage entre les humains et les objets, les cultures, les endroits et les façons de s'engager (contemplation et jeu). Cet état propose un accouplement comme itinéraire aux rapports, à l'hybridation et, ainsi, à l'évolution, tant dans l'art que dans la vie. Si deForest assume aussi directement son héritage nippon, c'est la fusion de cet héritage avec son autre moitié, euro-canadienne/nord-américaine, qui a préséance, c'est-à-dire son point d'arrivée plutôt que son point de départ. En tant que telle, son œuvre ne cadre pas très bien avec « la politique de la différence » qui a caractérisé une grande partie des propos portant sur l'identité et le multiculturalisme. Ces recréations récentes et discrètes d'œuvres de la culture nippone s'inspirent des tapis tatami et du karaoke/disco. Des objets et phénomènes spécifiques à une culture sont gentiment transformés afin de combler le besoin de l'artiste de créer des échanges entre des entités diverses. Island of Change - Otokonohito (Boy) (1988) est un assemblage de tatami, des carpettes de paille tressée dont le motif régulier de grille est interrompu par une série de bosses de la grosseur d'un poing. Avec de telles protrusions semblables à des kystes prêts à éclater sous la surface, ce couvre-plancher traditionnellement neutre devient un appel, sexuel et convaincant, pour gagner notre attention. De même, les ouvertures sculptées de façon organique dans Onnanohito (Girl) (1998) font preuve d'une féminité somptueuse. Ces deux œuvres sont palpables, bien qu'inconfortables, réflétant la vérité et le mensonge des désignations données aux personnes en fonction de leur sexe. Disco Tatami (1998), où des carpettes scintillantes sont personnalisées avec deux tourne-disques, est une invitation évidente au jeu et à l'échange. Un hybride interactif des cultures d'élite ou populaires de l'Orient et de l'Occident, il suggère non seulement la flexibilité de ces mondes culturels mais répudie également toute division trop nette. DeForest semble vouloir nous montrer les incongruités des désignations que l'on se donne et qui créent des oppositions là où il n'y en avait pas. À cela, il préfère le désordre de l'accouplement et des raccords entre similitudes et différences, là où aucun corps n'a de frontières impénétrables. De l'intérieur du semblant de matrice de la peinture Make Me, on fournit un espace pour contempler l'état continu de l'identité en changement constant, défiant les simples frontières et les catégories discrètes. Par Jen Budney