Friday, September 4, 2009 to Saturday, October 10, 2009

    Opening
    • Friday, September 4, 2009 to Saturday, September 5, 2009
    Entre vide et forme : Les espaces d’imagerie de Yam Lau Les images du réel, produites à la vitesse de la lumière, sont faites pour jouer avec leur propre réalité d’images. -Trinh T. Minh-Ha, The Digital Film Event Matériau brut et fondamental par excellence pour réaliser des récits numériques, les images enregistrées sont gravées avec les souvenirs des lieux et des espaces, des objets et du temps. Baignant avec les éléments du réel, les images sont un matériau mutable pouvant être recadré, recomposé et répété pour que les possibilités du récit prolifèrent. Cette hyper-qualité est en grande partie modelée et mise en valeur par les moyens offerts par la technologie numérique et son champ d’imagerie. C’est là, dans l’espace et le temps précaires des dimensions multiples, que se fait le travail préparatoire en vue de produire un nouveau moyen d’expression hybride. C’est à partir de l’action de tels sites d’espaces graphiques, qu’il jumelle à des lieux réels, que Yam Lau a créé Room : an Extension (2008) et Hutong House (2009). Faits d’images vidéo et matérialisés par l’animation numérique, Room: an Extension et Hutong House sont des récits silencieux situés dans les espaces graphiques de l’irréel. Comme des documentaires stylisés, ces oeuvres en disent long sur la poétique de l’ordinaire et le caractère vernaculaire du logement qui s’immiscent dans le discours sur la technologie, l’identité et la culture. Ces oeuvres, qui franchissent l’espace entre intimité et tradition, entre l’immatérialité et le matériel, ou le vide et la forme, tissent des récits qui sont à la fois fragmentés et complets. Les assemblages hybrides au rythme intermittent que font fusionner de multiples points de vue représentent des moments intimes de l’artiste qui est. Room : an Extension est composé d’images de la routine quotidienne de l’artiste dans sa résidence de Toronto. La préoccupation de Lau pour la poétique de l’ordinaire ressort beaucoup ici : « Je suis attiré par le côté mystérieux des activités quotidiennes... des formes de vie de tous les jours qui enracinent l’existence. Je ne tiens pas à ajouter à l’art de grandes idées ou des réflexions percutantes. Je me contente de montrer ce qui est et comment nous vivons. »1 Le récit de Room se déroule dans un lieu semblable à une scène, où des fragments d’images sont projetés sur les murs virtuels d’un domicile en forme de cube. Éclairé de l’intérieur, le cube, qui tourne sur lui-même sans arrêt, expose, dévoile et abrite en même temps diverses images translucides qui bougent et dont la clarté de vue est renversée de l’intérieur. Dans cet hyperespace du regard, le spectateur devient un voyeur involontaire qui témoigne du spectacle de l’acte de vivre au quotidien de Lau : quand il s’éveille, s’habille, s’en va et rentre. Ces actions ordinaires sont élevées au statut de l’extraordinaire quand le logement hyper-cubique se transforme et se re/plie sur lui-même. En quittant ce site virtuel de l’intimité, le spectateur visite ensuite le lieu élargi et distant de l’oeuvre Hutong House. Dans Hutong House, le sujet de documentation de Lau s’étend à l’historicité. Le nom Hutong se rapporte spécifiquement à une ruelle ou à une allée qui remonte à la dynastie des Yuan dans le Beijing (Chine) du 14e siècle. Ces hutongs, qu’on comptait par centaines, sillonnaient le centre-ville. En plus d’être une forme créatrice de documentaire, Hutong House est aussi une image d’archives des maisons traditionnelles chinoises organisées autour d’une cour. C’est que, dans la ville moderne de Beijing, les anciennes allées et les maisons qui s’y rattachent disparaissent à un rythme alarmant pour faire place à un développement urbain qui progresse rapidement. En tant qu’image d’archives, Hutong House garde en mémoire les qualités immatérielles du réel. Dans ce récit hybride, les volumes et les formes de la maison chinoise organisée autour d’une cour deviennent de simples algorithmes coordonnés dans l’espace élastique et le temps d’une technologie d’imagerie quantique. Reflétant plusieurs aspects du véritable agencement architectural en question, le domicile de Hutong House est un lieu réfléchi qui passe de l’obscurité à la lumière. Ici, l’esprit de la tradition est situé à l’intérieur et à l’extérieur de l’espace intime. Dans ce récit ultra-hyper silencieux, les images de l’artiste et de ses amis semblent leur faire jouer le rôle de protagonistes d’aujourd’hui dont la vie culturelle contemporaine est juxtaposée à un environnement construit comme un artéfact du passé historique. Dans ce contexte, l’expérience enregistrée de l’artiste devient abstraite et prend la forme d’un rituel alors que les moyens de la technologie virtuelle redéfinissent et reforment les caractéristiques de l’espace de l’habitation, de même que l’expérience cinématographique du spectateur. Comme l’a observé avec justesse Trinh T. Minh-ha : « Le logement est à la fois matériel et immatériel; il fait appel au volume et aux formes tout en reflétant une cosmologie et une façon de vivre la créativité. En d’autres termes, quand il est question d’architecture, il est question de la notion de lumière dans l’espace. Lorsque l’on traite de la notion de lumière dans l’espace, l’on traite de la couleur, et lorsque l’on parle de la couleur, l’on parle de la musique parce que la question de la lumière dans un film est, entre autres, une question de débit et de rythme. Ces accords mutuels de la vie quotidienne sont particulièrement frappants dans les environnements construits qui sont filmés et qui matérialisent les multiples unicités de la vie. » 2 Avec leurs fragments de documentaire mêlés à la fiction, Room : an Extension et Hutong House révèlent une imagerie extrêmement poétique, mais déconcertante aussi, sur l’infinie présence du passé dans l’architecture typique de Lau. Voir ces récits hybrides, c’est assumer l’état de l’observateur qui flotte dans l’espace et dont le regard est guidé par l’artiste. Il y a dans ces oeuvres un courant philosophique oriental qui reflète le monde très subatomique de la technologie quantique qui le façonne. Dans la conception de l’espace et de la matière, ou du vide et de la forme, les objets matériels sont indissociables de leur environnement. Leurs propriétés ne peuvent être comprises que dans le contexte du reste de l’univers. C’est l’unité de base du cosmos. C’est une réalité qui regroupe à la fois le mysticisme et la science de l’orient. Et c’est aussi une réalité qui est embrassée par Yam Lau par le biais du caractère vernaculaire de son travail. En affirmant que « le but de mon travail est d’enlever du poids au monde » 3, c’est en partie la « matière matérielle » de son sujet et de sa technique que Lau retire physiquement et sur le plan métaphorique. D’un point de vue oriental, cette absence de forme ou ce vide n’est pas considéré comme un simple néant. Au contraire, c’est l’essence de toutes les formes et la source de toute vie, à l’instar des manifestations phénoménales des images du réel réalisées dans un environnement numérique. Imprégnées de souvenirs sur tout ce qui est fait de matière, les images enregistrées sont, après tout, faites pour jouer avec leur propre réalité d’images. -Minh Nguyen
    1.Citation tirée de la correspondance de l’artiste, août 2009. 2.Trinh T. Minh-ha, Framer Framed. New York, Londres : Routledge, 1992, pp. 120. 3.Citation tirée de la réflexion de l’artiste.