Friday, October 28, 2011 to Saturday, November 26, 2011

    Opening
    • Friday, October 28, 2011 to Saturday, October 29, 2011
    CÉSAR DAMIÀN: MIGRATION/MÉMOIRE, NATURE TRANSITOIRE DE L’EXISTENCE « L’investigation d’un site spécifique consiste à extraire des concepts à partir des données existantes des sens par le biais des perceptions directes… On ne doit pas imposer sa loi mais plutôt exposer le site… Ce sont les artistes qui peuvent le mieux explorer les zones inconnues des sites. » Robert Smithson 1 Les eaux froides et calmes du lac Crag au Yukon reflètent le ciel nordique du soir. Des étoiles brillantes forment la Voie lactée au-delà des crêtes des montagnes. Le jour, un grizzly fouille le dépotoir sur la colline où les feuilles jaunes et or des grands trembles blancs frémissent dans la chaleur du jour d’automne. Plusieurs milliers de kilomètres et une saison auparavant, le soleil chaud et sec de l’après-midi filtrait au travers des conifères dont les ombres se couchaient sur le tapis d’aiguilles de la forêt. Dans le village où l’on pouvait acheter des limes, de la crème glacée et accéder à Internet, une route poussiéreuse et rouge serpentait. C’était Hidalgo Mexico pendant l’été. La capacité de différencier réalité et fiction devient un exercice de découverte de soi lorsqu’on interprète secrets et souvenirs. Pour César Damiàn, c’est ce qui demeure incrusté dans les strates qui transforme les récits fragmentés en un sentiment d’appartenance, en continuum d’histoires, de cultures et de résistance partagées. La capacité de se réapproprier l’histoire consiste à poursuivre le dialogue sans remplacer cette histoire par une autre – une question de survie. Damiàn crée un espace métaphysique transitoire qui situe éloquemment la sensualité du mouvement dans l’espace esthétique à travers des dispositifs mnémoniques, pour rappeler la beauté et l’horreur du lieu et de l’espace culturel qui transcendent consciemment la simple anecdote pour relater une mémoire, un vécu, une existence plus vastes. La nature éphémère de son installation, Migration Essay (Essai migratoire), suspendue dans une stase vulnérable, reflète un moment qui invite le spectateur à franchir le seuil. Ce que nous découvrons en nous-mêmes, c’est peut-être la réalisation qu’à travers la connaissance individuelle et collective, nous commençons à vivre un programme social ou de multiples significations associées à des constructions historiques et à des rapports idéologiques qui ont trait à des valeurs communautaires. La prise de conscience par rapport à la terre, à l’histoire et à la culture devient un catalyseur d’évolution sociale. C’est un état d’esprit plutôt qu’un lieu physique. Migration et mémoire fournissent un point de départ avant que César ne révèle des notions de déracinement et de privilège : des rapports et des terminologies qui confondent lieu avec propriété. Le territoire changeant est créé par le remplacement de certaines personnes et le déplacement d’autres. La propriété devient une entité complexe et problématique. En contrepartie, César présente non seulement des références poétiques qui abordent les qualités intrinsèques de ses matériaux mais, avec ses œuvres conceptuelles créées avec des photographies, il témoigne de la vulnérabilité et de la continuité. Il élucide les rapports fondamentaux entre la nature, la culture et les théories qui expliquent le fonctionnement de la mémoire humaine. Nous avons tendance à nous rappeler de la première et dernière images ou du premier et dernier événements d’importance plutôt que des événements et des images qui sont au cœur du parcours et le bâtissent. L’expérience devient délicate et fugitive à l’instar du reflux et du flot de la marée qui lave les visages contorsionnés et l’angoisse existentielle évanescente. La mémoire remplace les comptes rendus qui font autorité dans les livres d’histoire. Avec une retenue tranquille, Damiàn nous amène à questionner ce qui se trouve entre absence et présence, entre objectivité et subjectivité. Comment parvient-on à articuler le passé et le présent quand les événements, trop consommés, deviennent quelque chose d’imperceptible? Dans un équilibre instable, sa quête personnelle se transforme en tâche ardue de perception, en commentaire sur la fragilité de la vie, de l’émotion et de la spiritualité humaines : nous devons comprendre où est notre place. Interconnectée de façon complexe, la terre est composée de milliers d’années d’expériences ancestrales, une connaissance vivante qui a une étendue universelle. Notre existence physique, émotionnelle et morale est connectée à la communauté, un lieu qui se trouve souvent dans un endroit distant mais idéal. Damiàn nous rappelle son propre cheminement, un cheminement primordial qui n’est pas simple documentation mais plutôt le récit d’une aventure d’investigation qui questionne les idéologies qui justifient des réactions émotionnelles. Quel est notre lien à la terre? Au bout du compte, trouvons-nous un sentiment de complétude ou d’équilibre dans notre vie? Par le son et la vidéo, César Damiàn traite l’espace de façon organique, allégorique et métaphorique afin de commenter l’unité plutôt que la division dans la communauté. Dans Catharsis, le son permet de reconstruire une expérience pour relater le récit et confirmer l’emplacement dans notre conscience. Connaître notre propre histoire, c’est empêcher les autres de nous définir à notre place et c’est conserver la capacité de planifier l’avenir. La transmission de renseignements historiques ou culturels spécifiques, qui ne doit pas être prise pour de la nostalgie, authentifie un endroit croyable construit sur un site présent ou passé, créant ainsi une connexion universelle à la diversité d’une culture mondiale. Des cosmologies et des systèmes de croyance variés façonnent notre façon de vivre la terre; avoir un mode de vie ordinaire, c’est comprendre ce qui est extraordinaire. Tout au long du parcours de Damiàn, la résonance et les restes exposent les notions d’identité, d’histoire et de frontières changeantes. Peu importe que les frontières soient dessinées de façon arbitraire sur une carte, définies par les régimes politiques ou rappelées par les traditions orales, nous considérons et reconnaissons la quête d’un meilleur mode de vie. Au-delà des frontières l’un pourrait trouver « l’autre ». Il décrit la frontière comme un lieu de conflit, le site de l’anxiété et de la perte de pouvoirs. L’étranger est marginalisé et dépossédé. Son œuvre crée une relation spatiale qui rompt avec ce qui est familier et crée un nouveau lieu où nulle expérience unique n’est enregistrée; elle fait plutôt partie d’un récit fragmenté et peut être insérée à n’importe quel endroit du parcours. Les interprétations manifestes de l’espace varient d’une culture à l’autre; toutefois, dans un schéma plus large, les souvenirs temporels et la convergence de la nature et de la culture deviennent des événements significatifs qui demandent une solution à la quête d’identité. Dans une société multiple, l’assimilation et l’homogénéité deviennent des termes à la mode. La patrie s’estompe. Qui devient l’immigrant? Patricia Deadman
    1. Lucy R. Lippard, The Lure of the Local: senses of place in a multicentered society (The New Press, New York, New York, 1997) p183