En employant les outils du sculpteur, David Diviney explore la représentation dynamique des objets qui suggère des structures narratives et quelquefois humoristiques et/ou parodiques. La trame de ses histoires est souvent brisée, en attente d’être réparée. Le travail qui forme l’exposition Decoy (Leuree) à la Galerie 101 se penche sur ces questions, tandis que l’artiste transforme divers récipients – seaux, cuves et poubelles en acier galvanisé – en lieux qui emmagasinent et distribuent en même temps des bribes d’information. L’ouverture de ces formes reflète nos sens en offrant un point d’entrée pour accéder à ce qu’elles contiennent. En retour, au sens propre comme au figuré, ces objets sont les véhicules d’un sens; mis tous ensemble, ils forment l’expérience de chaque visiteur dans l’espace de la galerie.
Dans un essai récent, « Letting the air out of the tires », Ray Cronin, conservateur d’art contemporain à la Galerie d’art de Nouvelle-Écosse, écrit : « Diviney choisit le sujet qui est omniprésent, mais qui n’est pas au cœur des préoccupations du domaine de l’art. Ce sujet nous est si familier qu’il est invisible. » En réalité, le sujet de Diviney se trouve droit devant nous; l’artiste s’intéresse à la qualité des objets en tant que « choses » en général et à la façon que les objets dictent notre engagement envers le monde qui nous entoure.
Decoy (Leurre)
Il nous arrive souvent de rêver d’un peu de solitude. Nous ambitionnons tous de nous évader.
Maintenant que je me suis enfermé dans une tour d’ivoire par excellence, jouant mon rôle de parfait aristocrate grotesque, il me paraît évident que je n’ai pas grand-chose à faire; c’est une source de malaise. Mais je maintiens que je dois m’occuper de ma propre éducation, c’est-à-dire de mon cheminement d’esthète autodidacte.
En me promenant trop longtemps dans le noir, je suis tombé sur une souche creuse au milieu du chemin. Elle était pleine d’une sorte de vide. J’ai reconnu la vacuité d’un schéma du vide que j’avais vu à l’école élémentaire. Pendant que je tombais en avant dans la chose, les yeux me sortant de la tête, j’ai vu l’image d’un hibou, ailes déployées, qui volait autour de ma tête. Est-il possible de se faire une coupure avec une feuille de papier à partir d’un hibou aux ailes déployées? Pendant que, suspendu, le hibou battait des ailes, j’entendais ses ailes fibreuses qui effleuraient mes oreilles et faisaient naître des images dans mon esprit. (Le son jumeau d’une aile battante est le son étouffé qu’on obtient en frappant une boîte de conserve avec une cuillère en bois). Dès lors, mon esprit s’est mis à rêver.
Une attente tremblante s’est mise à briller dans mes bras.
Le hibou a poussé ma tête par en avant, l’immergeant dans le trou noir comme de l’encre de la souche creuse et poussant mes pensées vers la noirceur, tout ce qui est éphémère et le sujet de tant de rêves : tenir.
Je planche sur une nouvelle invention. On s’en servira pour l’entreposage.
Rien ne me plait davantage que la promesse d’une fausse porte ou d’un passage secret – à part peut-être la perspective du mystère – et cette invention en est pleine. J’ai caché un caillou à l’intérieur de l’invention pendant des heures et il était complètement hors d’atteinte. Personne ne pouvait le voir. C’était mon bien le plus cher – hors de portée des regards.
l y a maintenant un tunnel dans ce caillou. Il y a des passages secrets qui se faufilent dans toute la chose. Quand j’y ai jeté mon premier coup d’œil, un frisson brûlant a envahi tout mon esprit.
Il y a d’autres choses qui entreront dans l’invention et n’en sortiront jamais. Elles s’évaporeront des volutes d’invisibilité et je pourrai ensuite emmagasiner, retirer et reconstruire ces vapeurs. C’est un poumon qui respire. Il peut retenir tant de choses. Cette machine, l’invention, pourra nécessairement « tenir » et « couvrir » la forme de tout objet qu’on y mettra.
Le caillou placé à l’intérieur de l’invention a encore une substance. Certaines de ses parties sont gazeuses et vont à la dérive. Ces parties flottantes étouffent les bruits.
D’autres objets ont disparu.
Le hibou est maintenant de cristal.
Une table à dessin a été transformée en valise.
En fait, plusieurs des tests initiaux de l’invention ont causé la disparition totale ou la reconstitution des sujets. J’ai tout noté dans mon journal sous la rubrique L.I.T./P.D.T [Lost In Tunnel / Perdu dans Tunnel].
Le prototype du Tunnel est inspiré de la souche creuse – en plaçant mes mains près de ses entrailles, j’ai remarqué un effacement. Ce que je veux vraiment dire c’est que ma main a été effacée. Des abîmes entiers se sont ouverts en elle. C’est à ce moment que j’ai vu que le récipient n’avait pas d’importance. Son effet sur l’objet recelait tant de promesses.
Mark Clintberg, artiste, commissaire et écrivain.
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Thursday, April 28, 2005 to Saturday, May 21, 2005
Opening- Thursday, April 28, 2005
